Interview atypik Frédéric BOBIN
Cela fait une quinzaine d’années maintenant que Frédéric Bobin nous berce de ses mélodies aux accents folk mélange d’influences de chanson française (de Barbara à Gainsbourg en passant par Souchon et Lavillier) et de musique nord américaine à l’image de Dylan ou Springsteen, le tout sur des paroles écrites par son frère Philippe.
Avec 3 albums depuis 2008 (et 2 essais plus confidentiels avant ceux là) et des centaines de dates de concerts à travers la France, Frédéric nous livre tout en douceur son univers empli d’humanisme.
Il revient aujourd’hui sur les réseaux avec un titre « Le soir tombe » tiré de son dernier album « Les larmes d’or » enregistré en session live accompagné des musiciens avec qui il partage la scène .
Il a gentiment accepté de se prêter au jeu des questions atypik des Musikroniks.
Quand as-tu ri pour la dernière fois ?
Tout à l’heure, avec ma fille, on a regardé un film avec Louis de Funès et on a beaucoup ri ! De Funès, je le trouve irrésistible ! Et je suis heureux de partager ça avec ma fille !
Tu es guitariste et joues de la guitare depuis longtemps, as-tu toujours voulu faire de la musique ?
Je viens de parler de partage avec ma fille… La musique pour moi, c’est le partage avec mon frère aîné, Philippe, également auteur de mes chansons. Notre jeu préféré quand on était enfants, c’était de faire des chansons ! Depuis que j’ai 8 ans, je fais des chansons, c’est mon mode d’expression… Et avec mon frère, on n’a jamais cessé de jouer à ce jeu-là ! C’est une chose pas sérieuse que l’on a toujours pratiqué avec le plus grand sérieux !
En fait, depuis toujours, la musique m’accompagne… Tout gosse, j’ai été sous le charme des musiques qui m’entouraient : mes parents écoutaient Brassens, Brel, Barbara, Trenet, Nougaro… mon frère écoutait Renaud, Souchon, U2… mes cousins écoutaient Gainsbourg, The Beatles, Téléphone… et parallèlement, il y avait les tubes du Top 50 et les clips diffusés sur M6 : Les Rita Mitsouko, Daho, Niagara, Gold !… Tout ça me plaisait, sans distinction de style !
Ainsi, j’ai très vite eu envie de faire de la musique à mon tour… Je me souviens que quand j’écoutais une chanson, je prenais une raquette de tennis et je mimais les accords devant la glace !!! Mes parents m’ont alors payé des cours de guitare.
La rencontre avec cet instrument a été incroyable ! Je passais des heures et des heures sur ma guitare et je ne voyais pas le temps passer…
Je n’aurais pas pu envisager une vie sans musique. Mais j’étais loin de me douter que j’allais pouvoir construire toute ma vie autour de la musique et que ça allait devenir mon métier. De toute façon, même si ce n’avait pas été le cas, je suis sûr que la musique aurait occupé une place centrale dans ma vie.
Quelle est la chose la plus folle que tu aies faite ?
Eh bien, je crois que ce que j’ai fait de plus fou, c’est justement de choisir de vivre de ma musique ! Ça semble banal de dire ça, mais ce n’était pas du tout une évidence au départ… Mes parents, même s’ils écoutaient de la musique à la maison et qu’ils m’ont inculqué le goût de la chanson française, ne sont pas musiciens. Dans ma famille même éloignée , je ne connais personne qui vit ou a vécu d’une discipline artistique… J’appartiens à un milieu où la culture populaire avait une grande place, mais où le fait de vivre de sa passion, qui plus est artistique, était inenvisageable. Disons que c’était une démarche aventureuse qui ne coulait pas du tout de source…
Quand j’y pense, cette décision de vivre de la chanson a conditionné toute mon existence… Mon mode de vie, mes rencontres, mes histoires d’amour… tout ! Je pense que je n’étais pas prédestiné à ça au départ et que, dans une certaine mesure, je me suis fait violence. C’est une chose folle, quand j’y pense ! Maintenant, ça fait presque 20 ans que je fais ce métier et je me dis tous les jours ou presque que j’ai de la chance de vivre de ma passion.
Tu as fait de très belles tournées avec de nombreuses dates et belles premières parties (Gauvain Sers, Volo) comment te sens tu en cette période difficile pour les Artistes ?
J’ai la chance d’avoir énormément tourné ces dernières années… Et en effet des artistes que j’aime beaucoup m’ont récemment invité à faire des premières parties sur des scènes prestigieuses (Gauvain Sers m’a invité à l’Olympia et Volo au Trianon).
Toutes ces annulations de concerts font mal au cœur… mais je dois dire que l’arrêt net des tournées, s’il a été un choc, a été aussi pour moi une sorte de bénédiction, car soudain, cette période m’a offert l’une des choses les plus précieuses de notre époque (et après laquelle je courais depuis des années) : le temps. Face à cette situation anxiogène, je me suis enfermé dans une sorte de bulle créative… c’était une façon de me protéger… et aussi une manière de donner du sens à tout ce chaos… J’ai donc pu consacrer la plupart de mon temps à la création pendant de nombreuses semaines, ce qui en temps normal, est assez compliqué, dans la mesure où je tourne presque sans arrêt et que mes chansons et mes albums, je les concocte entre deux séries de concerts, dans des périodes toujours assez courtes…
J’ai donc eu le temps de créer et aussi le temps nécessaire à la création ,de m’ennuyer, de contempler, de lire, de regarder des films, d’écouter de la musique… Une période que j’ai trouvée très riche, d’un point de vue intérieur.
Mais tout ça ne me fait pas oublier la grande détresse occasionnée par cette période… Les personnes qui ont été gravement malades, le personnel soignant toujours sur le front, la détresse morale de certains, les grandes difficultés financières de nombreuses professions, les inquiétudes qui pèsent sur les métiers du spectacle (les petites associations, les petits lieux, les festivals…) et la place de la culture dans notre monde. Tout ça me touche beaucoup et m’inquiète bien sûr…
C’est une période très complexe, très paradoxale… D’un côté, j’ai enfin du temps pour moi et je ressens une sorte de liberté intérieure propice à la création… De l’autre côté, comme tout le monde, je trouve cette situation angoissante, contraignante… et surtout, je me sens de plus en plus en décalage avec notre société, notre mode de vie… L’impression que l’on fait fausse route et que cette situation met en lumière les failles de notre système.
Pour toi qu’est-ce qu’une pomme ?
C’est beaucoup de choses… le péché originel, une marque d’ordinateur, et plus récemment une chanteuse très talentueuse ! Mais pour moi, une pomme, c’est le petit logo de la maison de disques des Beatles, Apple Records ! Les Beatles ont été sans doute mon plus gros choc musical… Je les ai découverts lorsque j’étais tout jeune et je me rappelle de la vive émotion que je ressentais quand je sortais les vinyles de leurs pochettes et que je les déposais, fébrile, sur ma platine ! Sur les pochettes et sur les vinyles, on voyait cette pomme verte… ça me fascinait ! Je me souviens que sur la face A, on voyait la pomme verte et sur la face B, on voyait l’intérieur de la pomme, comme si elle avait été coupée en deux…
Tu as dernièrement partagé un live session d’une chanson (Le soir tombe) de ton dernier album (« Les larmes d’or » sorti en 2018) est-ce une envie de faire découvrir tes chansons sous une nouvelle facette ?
L’été dernier, on m’a mis à disposition un très beau studio d’enregistrement, près de Lyon (L’Hacienda). On sortait du premier confinement et je mourais d’envie de refaire de la musique avec mes amis musiciens ! Sur scène, je joue presque toujours en duo, mais j’ai 3 duos possibles avec 3 musiciens différents (selon les disponibilités de chacun) : Mikael Cointepas (batterie, contrebasse), Hélène Piris (violoncelle, chœurs) et Clément Soto (guitare électrique). Là, j’ai voulu réunir les 3 musiciens qui m’accompagnent habituellement en duo afin de jouer tous ensemble et de faire – pour la première fois – des versions de mes chansons en quartet.
J’ai proposé à Loïs Eme (qui avait réalisé mon dernier clip, « Tant qu’il y aura des hommes », en duo avec Kent) de réaliser des sessions vidéo de ces versions « live ».
L’idée c’était vraiment de se réunir et de faire de la musique ensemble sans stratégie de comm’. Retrouver le plaisir d’être ensemble et de jouer tous les quatre.
On a tourné 5 chansons que je vais publier régulièrement jusqu’à cet été…
La première vidéo est effectivement « Le soir tombe », chanson d’ouverture de mon dernier album « Les larmes d’or », sorti en 2018.
Vous avez raison, c’est une façon de faire découvrir les chansons sous un autre angle, avec un autre arrangement… Ca permet aussi de donner une seconde vie à une chanson grâce à une vidéo. Je m’aperçois que les réactions sont plus nombreuses sur une vidéo que sur une version gravée sur un album… ça permet donc peut-être d’élargir un peu l’audience d’une chanson qui aurait été moins mise en lumière, sans images.
Faut-il suivre d’avantage sa raison ou son cœur ?
Si j’avais suivi la raison, je ne serais pas devenu chanteur ! J’ai souvent privilégié mon cœur dans mes choix… J’ai un côté impulsif qui peut paraître assez paradoxal avec le côté calme que je dégage. Je suis du genre à agir d’abord et réfléchir ensuite… quitte à parfois constater ensuite les dégâts ! Alors oui, je pense qu’il faut autant que possible suivre son cœur !
C’est ton frère qui écrit tes textes et toi la musique l’inverse serait-il envisageable ?
Toutes mes chansons sont en effet signées à quatre mains avec mon frère Philippe ! Comme je vous le disais tout à l’heure, quand on était petits, on partageait la même chambre et notre jeu préféré était de faire des chansons ! On les jouait sur un synthé Bontempi ou sur un banjo qui n’avait que deux cordes ou encore en tapant sur des boîtes de bonbons !… C’était avant que je ne me mette à la guitare… On enregistrait nos chansons sur un vieux radio-cassettes et on s’inventait des concerts, devant un public imaginaire, constitué de nos peluches ! On était dans un sacré trip ! (rire des Musikroniks)
A cette époque, il arrivait à Philippe de faire les musiques et moi les paroles mais très tôt on a compris qu’il était plus à l’aise avec les mots et moi avec les notes.
Nos spécialités se sont donc affirmées et séparées peu à peu et Philippe est devenu auteur et moi compositeur. Je pense que d’un point de vue qualitatif, on a bien fait !!!
Ils serait envisageable de faire l’inverse, oui, mais je pense que les chansons nous plairaient beaucoup moins ! Cette alchimie me convient parfaitement car il m’arrive de retoucher les textes, de les orienter, les modifier… J’incite souvent Philippe à aller vers plus de simplicité, de concision… de casser un peu ses automatismes d’« auteur » qu’il a parfois… Je ne suis donc pas du tout frustré de ce côté-là car je m’implique énormément dans l’écriture des textes. Quant à mon frère, qui n’est pas à proprement parler musicien, mais qui a une très bonne oreille et une grande sensibilité musicale, il m’oriente également sur mes compositions musicales. Ses retours sont souvent très justes et également tournés vers l’évidence, la simplicité… on le sait, c’est tellement dur de faire simple !
Alors, on se renvoie la balle, c’est une sorte d’aller/retour perpétuel créatif, ses textes et mes musiques se faisant toujours écho… C’est un processus créatif très stimulant ! En fait, notre complémentarité m’impressionne encore, après toutes ces années… J’ai cette sensation que c’est moi qui mets le point final à ses textes et lui qui me dit quand une musique est terminée.
Que souhaites tu au Fred de dans 10 ans ?
Etre en bonne santé ! (j’ai conscience que c’est un souhait de vieux, mais j’assume… j’ai plus de 40 ans, après tout !) (acquiescement des Musikroniks)
Dans dix ans, j’espère être suffisamment en forme pour être présent pour ceux que j’aime.
Avoir suffisamment la pêche pour pouvoir continuer la vie de tournées !
Et je souhaite que l’envie ne m’abandonne pas et que des projets (même hors musique) m’animent encore !
Qu’est ce qui de la chanson naît en premier le texte ou la musique ?
C’est très souvent le texte qui vient en premier. Quand le texte me plaît, j’essaye de le faire « résonner » avec une musique… J’ai toujours des bouts de riffs qui traînent, des esquisses de mélodies, des suites d’accords, des bouts de musiques orphelines qui attendent dans un coin de ma mémoire ou sur mon dictaphone… Parfois, je peux faire coller ces idées musicales avec les mots de mon frère. Mais d’autres fois, je sens qu’il faut repartir à zéro et que c’est le texte qui va me dicter « sa » propre musique.
En tout cas, j’aime énormément ce moment où je découvre un texte avec ma guitare… En général, je sens très vite si ça va coller ou pas. Je recherche souvent l’évidence.
Mais quand le texte se refuse et que l’inspiration n’est pas fluide, il n’est pas rare que j’essaie plusieurs compositions sur le même texte…Avec des phrasés différents, des rythmes différents, des couleurs musicales différentes…
Souvent, le fait de composer une musique m’invite à modifier le texte ou à demander à Philippe de l’adapter… C’est ce moment-là de la création, cet échange-là, qui nous excite le plus ! Lorsqu’on agence les choses ensemble, quand on commence à se renvoyer la balle, à construire ce puzzle tous les deux… Même si on passe souvent par des grosses phases de doutes et que certaines chansons naissent vraiment dans la douleur, au final, la création est chez nous toujours lié au plaisir !
Mais pour en revenir à cette question d’équilibre paroles/musiques, pour moi, ce qui est essentiel dans une chanson, ce n’est finalement ni les paroles ni la musique, c’est surtout la rencontre entre les deux ! Cette espèce d’alchimie indescriptible qui se passe (ou pas !). Il y a parfois des rencontres magiques entre un texte et une musique qui, pris séparément, n’ont rien d’exceptionnels… C’est très étrange.
Ce qui est fou, c’est qu’on connaît toujours le point de départ d’une chanson mais pas toujours le point d’arrivée ! Souvent, une chanson nous emmène ailleurs… c’est perturbant et magique… et absolument pas monotone !
Chez nous, les paroles naissent presque toujours avant la musique, mais il arrive que je mette en musique un texte et qu’au fil du temps le texte ne me plaise plus… si la mélodie, elle, me plaît toujours, Philippe réécrit sur la musique… mais c’est plus rare.
Quel genre de personne te fait sortir de tes gonds ?
Les personnes péremptoires qui prétendent avoir toujours raison, savoir tout sur tout, avoir le monopole du bon goût. Le coté « donneur de leçons » m’horripile ! J’ai du mal aussi avec les personnes intrusives et manquant de tact…
Penses-tu que les réseaux sociaux soient un bon moyen de faire connaître et partager la musique ?
C’est assez indiscutable que les réseaux sociaux aident à diffuser la musique.
C’est quelque chose de très précieux, surtout pour les nombreux artistes peu médiatisés dont je fais partie.
Dans mon cas, c’est très utile mais le meilleur moyen de faire connaître et partager ma musique reste les concerts, c’est évident. Un clip, c’est bien, des vidéos de sessions live, c’est bien, des publications fréquentes sur Facebook ou Instagram, c’est sympa et je le fais avec plaisir, mais rien ne remplace l’impact d’une chanson jouée en concert sur les personnes présentes dans la salle, à ce moment-là. Même si pas mal de gens me suivent sur les réseaux et que c’est hyper agréable, je constate que les liens les plus forts et les plus durables que j’entretiens avec des personnes qui constituent mon public sont nés d’un concert… L’émotion qu’on éprouve quand on est dans le public est souvent mille fois plus fortes que lorsqu’on regarde une vidéo live ou un clip (acquiescement encore des Musikroniks +++)… souvent, ça ne s’efface pas.
Et heureusement ! J’espère que le spectacle vivant a encore de belles heures devant lui car à mon sens, rien ne peut le remplacer ! Alors pour répondre à votre question, les réseaux sociaux, c’est utile pour diffuser la musique mais ça ne reste qu’un outil, quelque chose qui complète et prolonge les concerts qui constituent l’essence de mon métier.
Si tu frottais la lampe d’Aladdin quels seraient tes 3 vœux ?
L’éternelle jeunesse, le don d’ubiquité et pouvoir voyager dans le temps !
Pas vous ? (Nous plussoyons !!!)
Tu as 3 albums à ton actif, en as-tu un nouveau en projet ?
J’ai énormément écrit et composé avec mon frère durant le premier confinement, il y a un an. Comme d’habitude, on a fait une trentaine de chansons pour n’en garder au final qu’une dizaine… Un an après, en ayant pris un peu de recul sur cette cuvée, j’ai gardé 12 chansons qui me plaisent et que j’ai envie d’enregistrer. Ces chansons feront l’objet d’un prochain album dont la sortie est prévue courant 2022.
Y a t-il une question qu’on a oublié de te poser ?
Sans doute ! Mais j’ai été suffisamment bavard comme cela ! (rires). On prend rendez-vous pour une deuxième interview, quand vous voulez !
Merci beaucoup Fred pour cette gentille participation à notre tout nouveau projet des Musikroniks, sous sommes très touchées.
Avec grand plaisir ! Merci pour votre invitation et longue vie à votre beau projet !
Pour suivre Frédéric c’est par ici: